Ouvert jusqu'à 21h le mardi

Expositions 18.12.2007 – 24.02.2008

Au cabinet: Mili Jäggi. Gouaches et dessins

En 1990, Josef Helfenstein, alors conservateur de la Fondation Paul Klee, a organisé pour l'artiste Mili Jäggi (1931-2005), qui travaillait jusqu'alors dans l'ombre, une exposition au Musée des Beaux-Arts de Berne, présentant ainsi, pour la première fois, son œuvre singulière au public. En signe de reconnaissance, Jäggi fit don au musée par testament d'une série d'œuvres que nous avons pu choisir après sa mort en décembre 2005 parmi les œuvres posthumes. Nous présentons maintenant, en même temps que les œuvres acquises dès 1990, à l'occasion de sa première exposition, cette deuxième visite majeure en hommage posthume à cette artiste bernoise.

Bien qu'elle ait eu une activité artistique dès sa jeunesse, en dehors de son travail de graphiste et de restauratrice professionnelle, Mili Jäggi ne cultiva son langage formel personnel qu'à partir de 1977/78 dans des gouaches de grand format. Au cours d'un processus qui s'étalait souvent sur des mois et des années, elle retravaillait sans cesse, au pinceau, au chiffon et à l'éponge, des bandes de papier d'emballage grossier, irrégulièrement découpées, jusqu'à obtenir un résultat convaincant, allant parfois jusqu'à la destruction du support. Les plages colorées, vibrantes ou dans une apesanteur tranquille, rappellent plutôt, par leur invitation à la méditation, les peintures de Mark Rothkos, même si elles sont exécutées dans des conditions et avec des moyens tout autres.

L'artiste a essayé d'élaborer, dans des tonalités non figuratives, un équivalent à ses expériences, à ce qu'elle a vu et vécu. Pour représenter les tonalités désirées, elle se servait d'une sorte de collection d'échantillons à partir des objets quotidiens les plus disparates, pierres, restes de tissu et photos de magazines, de catalogues ou de livres d'art. C'est au prix d'un travail acharné que l'artiste réussit à utiliser les différentes couleurs, commençant par des tons de rouge, brun et jaune, et ne s'essaya que les dernières années au vert et au bleu.

De par leur taille et leurs proportions, les gouaches suscitent des associations avec des corps humains sur lesquels les blessures de la vie se manifestent par des fissures et d'autres traces d'utilisation. Il en résulte un contraste chargé de tensions entre la plage colorée, comme éclairée de l'intérieur, qui suggère un effet d'immatérialité, et la matérialité incarnée du support qui s'exprime particulièrement dans le traitement intensif des bords de l'image.