Ouvert jusqu'à 21h le mardi

Expositions 07.02.2007 – 01.04.2007

Deux univers : étrangeté magistrale et surréalisme grotesque

Fenêtre sur la Chine Ji Dachun, Liu Ye

Dans le cadre de notre  « Fenêtre sur la Chine » – qui présente les aspects essentiels de la collection Sigg, dans la continuation de l’exposition Mahjong qui rencontra un grand succès en 2005 –, nous proposons deux expositions parallèles consacrées à deux peintres importants de la génération médiane.

Liu Ye vit à Pékin, où il est né en 1964. Il fait partie des quelques rares artistes chinois ayant fait de nombreux voyages entre l’Europe (Allemagne, Pays-Bas, Angleterre) et la Chine, ce qui lui a permis, dans ses propres mots, « de se concentrer sur lui-même ».  La jeunesse de Lius fut marquée par la Révolution Culturelle (1966-76) et l’art kitsch au service de la propagande. Le résultat est un art qui à première vue peut paraître infantile, mais qui est loin d’être naïf. Il est influencé par des souvenirs de jeunesse, par les contes et les images enfantines du bonheur. Ainsi, Lius oppose aux catastrophes de l’Histoire de l’humanité des figures angéliques de fillettes et garçons, et met sur un bateau coulant sous les bombes un matelot jouet qui fait le salut marin. Parfois, l’évocation d’images refoulées ramène Liu   Ye à son adolescence : Dans My Teacher  ( 2001), son institutrice apparaît en pin-up jaune, sexy et à moitié nue, un sourire énigmatique aux lèvres et un fouet à la main. Le portrait  Ruan Ling  Yu (2002), une „harmonie en bleu“, montre le visage rond d’une jeune femme au regard mélancolique, se levant comme une lune dans le ciel nocturne. Ici, l’art de Liu semble flirter avec le kitsch sentimental de Montmartre – mais la technique magistrale et la composition raffinée sont là pour nous rappeler qu’il s’agit du travail conscient d’un artiste authentique. Liu essaie d’unir dans ses œuvres l’imagination et la sensualité du conte à la pensée précise et rationnelle de la philosophie.

Ji Dachun, né en 1968 à Nantong (province de Jinagsu), vit et travaille à Pékin. Dans ses tableaux, il mélange la tradition chinoise à la modernité occidentale – le résultat est un cocktail ironique, parfois cocasse. Sur fond blanc, il place en plein centre un objet ou une figure, parfois deux objets ou des personnes en conversation. La grande surface vide est un élément central de la composition. On peut distinguer deux styles chez Ji Dachun: un style dessinateur, inspiré de la peinture traditionnelle des érudits, les „Literati“ , qui rappelle les „gribouillis“ de Twombly, et un style plus pictural, influencé par Picasso et la peinture américaine du style de Philip Guston. Des aspects surréalistes jouent toujours un rôle important : images absurdes, combinaisons d’objets et de figures étranges, perspectives inattendues. L’apparente naïveté peut se transformer en sarcasme, et derrière la simplicité des figures se cache une mobilité intellectuelle troublante. Ainsi, Ji Dachun peint un nu masculin à la tête d’Adolf Hitler; une Mickey Mouse sans peau; un nounours se copulant avec un cochon; un paysage traditionnel chinois déchiré par les foudres; une racine d’indigo séchée ou un suiseki pénétrant le tableau comme un phallus. Derrière la finesse de sa peinture se cachent des pièges qui nous obligent de toujours rester sur nos gardes.